par Mahmoud Ibrahime La conquête Française (1841-1912) C'est au début du XIXe siècle que les Comores deviennent un enjeu stratégique pour les puissances européennes, et notamment trois d'entre elles: la France, l'Angleterre et l'Allemagne. C'est aussi à ce moment-là que les raids des pirates malgaches a affaibli les quatre îles. Cela ajouté aux oppositions entre sultans facilite l'installation de l'influence française dans l'archipel. On peut dire que les sultans demandaient une aide des puissances européennes, ils n'ont eu que la domination de celles-ci. Les Comores sont l'une des dernières victimes de " la course au clocher " que se livrent les puissances européennes dans la seconde moitié du XIXe siècle.
La marine française qui a
besoin d'un point important dans l'entrée du canal de Mozambique va réussir
en 1841 à imposer un traité de vente de l'île de Mayotte à un
usurpateur malgache (Andriantsoly) qui venait de s'emparer de l'île
en évinçant le sultan local. Celui-ci laisse à la postérité
l'image du bradeur de l'île à la France pour 1000 piastres (5000 F)
de rente annuelle. Mais la recherche actuelle tend à remettre en
cause le traité du 25 avril 1841. Il est présenté comme un traité
commercial banal, mais en fait, il s'agit d'une vente forcée, et de
toute façon illégale, puisque le " vendeur " est un
imposteur. Les archives révèlent les pressions subies par
Andriantsoly qui, venant de faire une guerre de conquête n'a aucune
intention de céder son île, mais au contraire cherche des moyens de
la fortifier. Les sultans des îles soeurs protestent, les autres
puissances européennes font de même, et Louis Philippe ne reconnaît
cette " vente forcée " qu'en 1843. Et comme l'écrit J.
Martin, " Mayotte était le Far West des Réunionnais déclassés
" qui s'y installent et introduisent le système des plantations
coloniales. Ils y poursuivent l¹esclavage sous forme de ce qu'ils
appelaient " l'engagement ". Ce n'est donc pas innocent si
les Réunionnais prendront une part importante à la lutte pour que
Mayotte reste française.
L'occupation des autres îles de
l'archipel ne fut pas non plus une nouvelle version de la "
Servitude volontaire ", mais bel et bien une conquête coloniale
dans laquelle les ruses et les armes concurrencent le sang et les
larmes. La France est alors animée par une seule volonté: occuper
pour priver aux autres (Anglais et Allemands) cette possibilité. Elle
a à chaque fois profiter de troubles intérieures pour s'imposer. Les Anglais ouvrent alors en
1848 un consulat à Anjouan en vue de s'y établir. La France s'y
oppose en évoquant son occupation d'une des îles de l'archipel. Elle
reconnaît ainsi, implicitement que l'archipel forme une unité. Le
besoin de soutien militaire des sultans des autres îles pour se protéger
de leurs voisins et des pirates permet à la France de s¹imposer dans
les trois îles qui tombent sous son protectorat dès 1886. A Anjouan,
le sultan Abdallah signe pour des raisons pécuniaires un traité de
protectorat le 21 avril 1886. Mais quand il refuse le Résident qu'on
lui adjoint, les navires français assiègent Mutsamudu et il se
soumet. Mohéli était déjà sous le contrôle de Mayotte. C'est donc
avec facilité que la France impose un traité semblable à celui
d'Anjouan, le 26 avril 1886, et y installe un sultan. Dans ces deux îles,
l'État colonial mène librement sa politique en faisant et défaisant
les sultans selon leur degré d'adhésion à l'influence française. A
la Grande Comore, la France intervient pour aider certains sultans qui
sont en guerre contre d'autres, mais hésite à imposer un protectorat
à cause des " compétitions internationales dont la Grande
Comores est l'objet. " Il a fallu l'arrivée de Léon Humblot
dans l'île en 1884, pour qu'après avoir obtenu toutes les terres
qu'il désirait, celui-ci réussisse à obtenir le protectorat de la
France sur les Comores le 24 juin 1886. A partir de cette date, L.
Humblot qui devient Résident est l'homme le plus puissant de l'île.
Dix ans après, les autorités françaises le destitue pour mettre fin
à ses exactions. Cela ne lui enlève pas sa puissance: il est le plus
gros colon, il possède les deux-tiers du territoire et de nombreux
esclaves. Le système de protectorat suppose que la puissance étrangère envoie un Résident auprès du chef local, et ne s'occupe que de la politique extérieure. En fait, les Résidents français vont s'emparer progressivement du pouvoir, en laissant les colons déposséder entièrement les paysans de leurs terres, afin qu'ils viennent s'employer dans les domaines coloniaux. A partir de 1908, l'archipel est officieusement rattaché à Madagascar. En 1912, le pouvoir métropolitain se résout à coloniser le reste des Comores, soi-disant pour pouvoir contrôler les pratiques douteuses des Résidents et des Colons.
Le rattachement à Madagascar (1912-1946)
La France justifiera ce
changement de statut par la volonté de faire appliquer la loi française
sur les exploitations agricoles de M. Humblot, notamment les lois
concernant l'esclavage. En effet celui-ci avait traité directement
avec le sultan Saïd Ali qui lui avait donné l'autorisation de "
mettre en valeur " toutes les terres qu¹il voudra et d¹utiliser
les hommes nécessaires. Quant au rattachement à Madagascar, il répond
d'abord à un souci d'économie. De 1912 à 1945, l'organisation
administrative de l'archipel change à plusieurs reprises, mais la
structure de base reste la même. A la tête de l'archipel, on trouve
un chef de la province (ou administrateur supérieur) comme dans
toutes les provinces de Madagascar. Installé à Dzaoudzi (Mayotte),
il est sous les ordres du Gouverneur général qui se trouve à
Tananarive. Dans chaque île il y a un administrateur dont le rôle
est de prélever l'impôt et de fournir au chef de la province de la
matière pour son rapport annuel. Au niveau des cantons ou des
villages, on a l'administration coloniale avec ses chefs de cantons,
ses chefs de villages et ses cadis. Ceux-ci sont en contact avec le
Colonisateur, et la plupart d'entre eux ont été nommés à titre
" politique ", c¹est à dire à cause de leur position
sociale ou de celle de leurs parents. C'est pour la plupart, l'élite
loyaliste qui croit aux vertus de " la mère-patrie ". Cependant, durant cette période,
il eut deux révoltes, en 1915 et en 1940. La révolte qui débute à la
Grande Comore en 1915 à pour cause principale le paiement de l'impôt.
Des habitants du village de Djomani (ancienne province de Mboudé) se
sauvent en brousse pour ne pas s'acquitter de la capitation.
L'administrateur se rend sur place le 27 juillet, et engage un
affrontement avec les rebelles. Mais dès le début du mois d'août,
la dissidence s'amplifie (plus de 500 personnes), les gens de Djomani
barrent les routes et vont chercher des renforts dans les autres
villages. Le mouvement se répand dans les provinces de Badjini et de
Washili pendant le mois d'août. Le Gouverneur général, à partir de
Madagascar prend en main la direction des opérations. Il envoie des
gardes malgaches, puis un détachement de tirailleurs sénégalais, et
dans le même temps demande à son administration de s'appuyer sur les
notables pour ramener la paix. Peu à peu, le mouvement s'effrite, et
l'administration qui a eu très peur, se rattrape en exilant certains
meneurs. La révolte de 1940 a eu lieu à Anjouan. Elle est plus violente, même si elle ne se répand pas. La cause est une décision de l'administration qui veut réquisitionner de la main-d¹oeuvre pour les domaines agricoles pendant la guerre. Les réquisitionnés refusent de travailler, bientôt suivis par un bon nombre de travailleurs du Nuymakélé. Lorsque les travailleurs sentent que la grève échoue, ils en arrivent à la violence envers les colons, l'administration, et ceux qui ont repris le travail. Mais l'apparition du directeur du domaine, et l'intervention encore une fois des notables arrêtent le mouvement. Ces derniers s'excusent auprès de l'administration au nom des révoltés.
Un territoire
autonome (1946-1961)
A la fin de la Seconde guerre
mondiale, l'archipel acquiert une autonomie administrative grâce
notamment à l'action de son député Saïd Mohamed Cheikh (SMC) à
l'Assemblée nationale française. Mais, tout en faisant semblant de
remettre le pouvoir entre les mains des autochtones, l'État colonial
occupe tous les postes clefs, et cède les autres à quelques hommes
qui lui sont dévoués. Il existe alors une Assemblée
locale, et trois représentants du territoire dans les institutions métropolitaines,
mais le véritable pouvoir est toujours détenu par l'administrateur
supérieur. En 1957, en application de la loi-cadre, on crée aux
Comores un organe exécutif (le Conseil de gouvernement), c'est encore
l'administrateur supérieur qui le préside, entouré par des
ministres désignés par le Conseil régional. Le poste de vice-président
du Conseil de gouvernement, confié à Mohamed Ahmed est symbolique. Mais pendant cette période, la
France qui prétend au sein de l'ONU préparer l'émancipation de ses
colonies laisse l'archipel dans un sous-développement dont il ne
s'est jamais relevé, et dont il subit aujourd'hui les conséquences.
Les appels de SMC et de Saïd Ibrahim à l'Assemblée nationale française
à chaque session budgétaire resteront vains. Les Comores ne seront
jamais traitées comme les autres territoires d¹outre-mer. L'autonomie interne (1961-1975)
En décembre 1961, une
nouvelle loi réorganisant le statut des Comores donne une autonomie
plus large à l'ensemble. C'est à un autochtone, premier élu sur une
liste présentée à l'assemblée locale que revient la charge de présider
le Conseil de gouvernement. SMC échange son poste de député contre
Mohamed Ahmed. Il va imprimer sa marque au pays jusqu'à sa mort en
mars 1970.
A la mort de SMC, les successeurs sont obligés de tenir compte des exigences de cette jeunesse. C'est ainsi que ces partis, mis à part le PASOCO vont être impliqués dans la formation des gouvernements successifs jusqu'à l'indépendance. Ce sont ces nouveaux partis qui amènent Ahmed Abdallah à entrer dans une logique indépendantiste. Or comme tous les hommes de la première génération politique, celui-ci est convaincu qu'un État comorien n'est pas viable vues les conditions économiques. Les chefs du RDPC participent aux négociations qui aboutissent aux " Accords de juin 1973 ". Ceux-ci prévoient l'indépendance des îles, ils poussent positivement ou négativement Abdallah à proclamer l'indépendance unilatérale le 6 juillet 1975, alors qu'un homme comme Saïd Ibrahim ne la souhaite pas.
Les Comores indépendantes:
le développement contre la démocratie (1975-1990)
Si en 1975, il y a une majorité
d'hommes politiques en faveur de l'indépendance, il manque bien un
consensus sur la manière de gérer le nouvel État, cela d'autant
plus qu'il n'y a pas eu de véritable lutte en commun pour l'indépendance.
Ceux qui ont lutté se trouvent écartés du pouvoir par le nouveau
sultan. Dès le 3 août 1975 un coup d'État
mené par A. Soilihi qui jusque là soutenait le prince S. Ibrahim
installe un pouvoir de type démocratie populaire dans cet État
musulman. Comme sous la colonisation, le régime d'A. Soilihi ne déroge
pas à la règle en Afrique: on pense que le parti unique est le moyen
le plus sûr d'obtenir un développement économique rapide. Le régime
vise d'abord l'autosuffisance, et connaît certaines réussites dans
les domaines agricole et sociale. Mais les effets de la dictature (la
peur, les dénonciations, les réformes en matière religieuse) éloignent
le peuple de cette révolution dévoyée.
C¹est donc dans la liesse que
les mercenaires d'Abdallah sont accueillis après le coup d'État de
1978, et l'exécution sommaire d¹Ali Soilihi. A. Abdallah met en
place un régime autocratique dont les piliers sont les mercenaires
avec à leur tête le fameux Bob Denard. Un seul parti tente d'exister
dans le pays: le Front démocratique de Moustoifa Cheikh. Il sera démantelé,
accusé d'activités subversives. Ses militants sont jetés en prison
et torturés. Lorsque le président comorien tente de mettre fin à la
présence des mercenaires aux Comores, il est assassiné en novembre
1989. La France intervient pour obtenir le départ des mercenaires.
L'intérim est assuré dès lors par le président de la Cour suprême,
S. M. Djohar jusqu'aux élections présidentielles de mars 1990.
Celui-ci se présente et est élu contre M. Taki.
MweziNet 1999 |