Le mot nation vient du latin " natio ", dont la signification étymologique du terme évoque lidée de racines sanguines communes. Nous pouvons affirmer que dans notre cas, les Comores sont tout à la fois une Nation, un Etat, la marque dun groupe ethnique caractéristique, un Etat Nation. Le XIX siècle a reconnu le caractère primordial des nationalités et ce problème a ravagé la plupart des grandes nations, les Allemands les Austro-Hongrois et les Italiens, enferrés dans leurs empires guerriers, autoritaires et multinationaux, ont comme les autres échoué avant de seffondrer, faute dune réponse appropriée à ces problèmes capitaux. Tous ces pays ont été supplantés par la France, lAngleterre et la Russie, qui étaient alors marqués par un impérialisme colonial alors quils sorganisaient en Etats souverains. Sommes-nous aujourdhui une nation homogène ? Pouvons-nous définir une origine comorienne caractéristique ? Quelques historiens européens, ainsi que des politiciens français mêlés à des journalistes de tout bord ont tenté de démontrer le caractère " ambigu " de notre nation, en raison dun manque dunité raciale de notre pays durant la période qui a précédé lindépendance. Dans les années 50, le développement du système des Etats Nations a émergé avec force en Afrique, véhiculant un vigoureux espoir. Il était inspiré didéaux révolutionnaires. Le vent du changement soufflait sur notre continent, tandis que nos élites discutaient à linfini, stratégie et liberté, indépendance et dignité. Qui sont nos ancêtres, avons-nous des ancêtres communs ? Nous faudra-t-il recourir à lADN pour prouver notre identité ?
Les réponses ne sont pas immédiates. Il est nécessaire dentreprendre un travail de fonds, de recherche et danalyse, que ce soit sur un plan archéologique, linguistique ou historique. Nous devons plus spécialement examiner quatre points particuliers.
Les Indonésiens étaient les maîtres des océans. Avec des navires au gréement compliqué, ils parcouraient des milliers de milles de mers agitées. Des comptoirs commerciaux sont apparus en Afrique de lEst tandis que Madagascar et les Comores voyaient sinstaller de nombreux Indonésiens. Ils ont également apporté avec eux une technologie marine. Voici 1000 ans ils maîtrisaient déjà la technique de la pirogue à balancier, le fameux " NGALAWA " . Les Indonésiens rivalisaient avec les marchands arabes qui commerçaient dans la région. Les Proto-indonésiens en se mélangeant avec les populations bantoues des Comores, plus tard islamisées par les Arabes, ont commencé à étendre leur influence, au Nord Ouest et au Nord Est de Madagascar. Dans le même temps, les navigateurs comoriens transmettaient aux populations de lAfrique Orientale, la technologie marine enseignée par les Indonésiens. Lhistoire exprime un besoin impératif pour une étude complète de lidentité et de lorigine du peuple comorien et nous exprimons le souhait que des études ethnographiques seront menées en ce sens par des pays de la région qui partagent avec nous les mêmes valeurs culturelles. Larrivée dune petite communauté religieuse yéménite fut évoquée comme la première source de peuplement de Ngazidja ( la Grande Comore). Ils étaient à la recherche du trône légendaire de la reine de SABA, la Reine Hatshepsut, la reine dEgypte et dEthiopie, qui est caché dans le cratére du Karthala, le plus grand des volcans du monde par son large cratère. La grande diffusion de la civilisation bantoue avait provoqué la migration aux Comores des populations de la côte. En navigateurs avisés, les Comoriens ont traversé lOcéan Indien pour atteindre la Côte dAfrique, Zanzibar, ainsi que lArabie et là des motifs religieux sajoutaient à lexpression dune volonté commerciale. Ce qui est de notoriété universelle depuis plus de 1000 ans dans notre région, peut nous aider à comprendre et à remonter nos origines en tant que peuple. Au XIIIe siècle, la vague des migrations est venue de la population mélangée de Shirazi et de Shungwaya. Un siècle plus tard, les Comores avaient assimilé cet apport et lexprimaient en accord avec lhéritage Swahili sur un fond culturel et dordre social. Toutes ces populations étaient organisées et reconnues, elles ont profondément marqué lévolution sociale de la société comorienne, on les trouve de Barawa en Somalie à Pate et Kilwa, plaque tournante principale du commerce de l'or et de l'ivoire qui provenaient de l'empire du Monomotapa ainsi quaux Comores et dans différents endroits de Madagascar. Quoique diverses, nos origines bantoues, furent unifiés par lislam, les mariages et le mélange culturel. Les influences Shirazienne (Golfe Persique et Shiraz) et plus près de nous les influences Arabe (Sud d'Arabie, Hadramout et Mascate) et Swahili ont enrichi notre vocabulaire avec des mots nouveaux, véhicule indispensable de progrès social et déchanges commerciaux. Cest durant cette période que le système hiérarchique strict des chefferies apparut avec les Bedjas et leurs successeurs les Fanis. Les descendants des premiers habitants dAnjouan sont connus comme les Wamatsaha. En 1775, leur leader charismatique, le légendaire TUMPA, fils dun FANI, a conduit la révolte pour supplanter la dynastie Hassannite et rendre obligatoire les mariages entre les Arabes et les Afro-Shiraziens. Domoni était occupée, Mutsamudu était en état de siège. Tumpa, qui se cachait sous un parapluie rouge, fut tué par un tireur délite britannique du corps des marines. Lémancipation culturelle dAnjouan est encore à parfaire et les mariages qui impliquent différents clans ne sont pas chose commune. Quelques zones de lîle dAnjouan continuent à mettre en avant leurs origines arabo-shiraziennes et à minimiser leurs racines africaines, tout ceci en partie pour des raisons sociologiques. Les langues et les dialectes parlés par les Miji Kenda du Kenya sont de même nature que les variantes linguistiques comoriennes. Kiamu est proche de la variante anjouanais. Les points de repère sont multiples. Ainsi le Shiromani, vêtement apprécié porté par les femmes anjouanaise, était un vêtement de protection traditionnel chez les femmes musulmanes dAmu. Les princes de Pate, dorigine shirazienne, gouvernaient à Anjouan et Domoni était le siège de laristocratie. Les dynasties qui ont gouverné les Comores ont développé des relations économiques et sociales. La langue, la culture ainsi que les valeurs islamiques, communément répandus entre Anjouan, Mayotte, Moheli et la Grande Comore forment le socle historique du peuple comorien. La localisation géographique de larchipel des Comores joue un rôle important dans nos relations avec nos voisins ainsi quavec les puissances étrangères. Dun côté la Grand Comore fait face à lAfrique de lEst et de lautre côté, Mayotte est proche de Madagascar. Larchipel des Comores commande les voies de passage maritimes du canal de Mozambique. Les flottes européennes, en route vers les Indes, lArabie et lAsie traversaient nos îles. Aujourdhui cette route est empruntée par les pétroliers qui arpentent nos Mers entre lEurope et les pays du Golfe Persique. Au XVIII siècle, des flottilles de grandes pirogues, barrées par les chasseurs desclaves quétaient les Sakalava et les Betsimisaraka ont envahi les îles des Comores. Les femmes comoriennes se jetaient des falaises et préféraient se noyer plutôt que dêtre capturées. Nos ancêtres refusaient lesclavage et les expéditions en 1825 cessèrent. Les Comores ont joué un rôle insignifiant dans ce commerce honteux. La dynastie Merina a chassé les princes Sakalava de Madagascar et le dernier de leurs chefs, Andrienatsoule, prit refuge à Mayotte et devint sultan de lîle après sa conversion et celle de ses partisans, tandis quen 1841 il était contesté par les comoriens comme un sultan usurpateur, il céda Mayotte à la France. La dernière phase de la période Arabo-Shirazienne, de la migration musulmane du XVII siècle a propagé le concept dUmaa (de umm " la mère ") et de Dâr al Islam " la demeure de lIslam ", lEtat Nation islamique. Le Coran et la jurisprudence islamique ne font pas de distinction entre les deux. Notre loi divine et suprême est la Charia. Ce phénomène était également valable dans les pays dominés par les Européens chrétiens, et la séparation entre lEglise et lEtat est toute récente, (en France elle ne date que de 1905). Les sultans dAnjouan se sont eux-mêmes arrogés lobligation de construire et dinstaller un territoire unique et une entité raciale. Lère des " sultans unificateurs " fut établie bien avant 1400. Au XVIIe siècle, des voyageurs européens indépendants rapportent qu' Anjouan était gouvernée par une reine puissante Bweni Fatima qui réclamait la position de chef suprême de larchipel. En 1614, la vieille reine, fatiguée par les intrigues de la cour, décida de partager la Grande Comore en dix domaines dirigés par des seigneurs. Plus tard ceux-ci furent transformés et devinrent les sept royaumes de la Grande Comore (Ngazidja mfukare). Elle offrit à son fils, le sultan Amar Adel, lîle de Moheli, dont il fit son royaume et où il vécut avec son frère puîné. Daprès lhistorien, Said Ahmed Ali, le Roi Hassanite, le Sultan Ahmed fut proclamé en 1736, en suivant la tradition de ses ancêtres. Il était dit alors que les Comores devaient former une seule et unique nation et être régies par une Monarchie. La dynastie Hassanite introduisit le chafiisme, lune des quatre grandes écoles de lIslam sunnite et la population y adhéra de tout son cur. Depuis la première manifestation de limpérialisme européen dans nos eaux territoriales au XIVe siècle, les tentatives des missionnaires judéo chrétiens pour convertir les populations indigènes dAfrique au Christianisme ne pouvaient pas trouver aux Comores un terrain favorable. Les Comores étaient déjà organisés en entité islamique cohérente pratiquant un Islam de tolérance. En 1886, le Sultan Said Ali bin Said Omar, sultan Tibe, sultan des Sultans de la Grande Comore, fils du sultan Said Omar dAnjouan, inclus dans lacte de Protectorat signé avec le représentant français dimportantes et authentiques exigences de souveraineté pour la protection et la préservation des valeurs traditionnelles ainsi que celle de la culture islamique du peuple comorien. Le sultan était conscient que, bien sûr, il contractait alors un traité avec une grande puissance chrétienne. L'acte fut écrit alors en deux langues officielles, le Swahili et le Français. Ladministration coloniale française respecta lesprit du traité. Les Comores sont lune des rares nations islamiques qui ne comptent pas de minorité chrétienne. Le sultan Said Ali était le précurseur du concept de la nation moderne pour les Comores. Il battit les premières pièces de monnaie et établit la juridiction islamique des Kadhis et des Naïbs. La colonisation française balaya cette vision. Le jeune sultan avait étudié durant presque deux ans à luniversité AL AZHAR du Caire et fréquenté laristocratie égyptienne et les cercles diplomatiques pour acquérir la maîtrise des affaires. En sefforçant de faire un royaume unifié, le Sultan, supporté par la France, fut critiqué pour son usage immodéré de la force et son autoritarisme. Au XIX siècle, contrairement aux autres puissances coloniales de la région, la France avait opté pour lassimilation culturelle et administrative des populations indigènes de ses colonies africaines et orientales. En Afrique de lEst, les Allemands et les Anglais, pour différentes raisons, ont encouragé le développement et lenseignement de la langue swahili. Elle est utilisée largement par ladministration locale, les forces armées, et dans les échanges commerciaux, elle fut adoptée comme langue officielle par les trois Etats dAfrique de lEst après leur accession à la souveraineté. Quelques linguistes auraient même préféré voir le comorien utilisé en tant quauthentique langue swahili. Les recherches comparatives sur le plan de la philologie et de la linguistique sont nécessaires pour définir leur ressemblance et leur complémentarité. Aux Comores, en raison de la politique officielle du pouvoir colonial français, la langue locale fut ignorée. Très timidement lenseignement du français fut introduit. Le système hiérarchique jacobin présentait un nouveau concept pour diviser le peuple. Seuls les fils des nobles et de lélite social avaient accès à un système éducatif limité tandis que les enfants des classes défavorisées étaient exclus du système. Dans lidentification du sentiment national, la langue écrite et parlée, ont joué un rôle très fort, suscitant une unité dopposition à la colonisation française. Ladministration française a promu la culture de la classe dirigeante aux dépens de la culture populaire. Toutefois, notre culture commune et lislam ont évité aux comoriens de sombrer dans lanarchie interne. Il est bien sûr exact que la France a établi le concept moderne de lEtat nation des Comores. Il ny avait pas dopposition des iliens parce que ceci était considéré comme évident. Ladministration coloniale ne fit rien pour que lentité territoriale sunifie avec une seule langue comorienne . Les intérêts stratégiques français étaient essentiellement concentrés sur Madagascar la plus belle des colonies au détriment des Comores. Lélite politique, dirigeant le mouvement nationaliste, nutilisait pas le discours des colonialistes pour revendiquer ses origines. La mobilisation des masses fut accomplie par lutilisation du comorien et le pouvoir colonial a accepté le principe daccorder lindépendance aux Comores. En 1972, un vote de l'Assemblée territoriale comorienne remplaçait le Prince Said Ibrahim qui était alors Président du Conseil du gouvernement local, par Ahmed Abdallah. Le prince Said Ibrahim, leader dun parti politique qui incluait la plupart des personnalités politiques mahoraises, conscient des risques et des dangers de sécession de Mayotte, lançait un appel pour lindépendance, et plaida auprès de ses compagnons gaullistes qui à Paris exerçaient le pouvoir, pour organiser correctement laccession des Comores à la souveraineté. En 1972 le nouveau Président élu, Ahmed Abdallah, fut mandaté par la nouvelle Assemblée pour négocier avec le gouvernement français lindépendance des Comores. En France, le Ministre des Départements dOutre Mer, Monsieur Pierre Messmer accéléra le processus. Jacques Foccart, le puissant Secrétaire Général de lElysée en charge des pays africains, avait convaincu le Président Pompidou daccepter de préparer laccession des Comores à lindépendance dune manière responsable, Foccart écrit dans ses mémoires : " Après sa disparition, le processus sera accéléré, et les Comores abandonnées à leur sort, sans moyens, en 1975 " Sur la question de lamputation de Mayotte de cet ensemble et sil était déjà envisagé de la maintenir sous souveraineté française, il ajoutait " il a ses partisans, Messmer veut organiser un référendum île par île, qui permettrait à Mayotte de rester française. Debré va jusquà imaginer une espèce de confédération dîles et dîlots dont chacun pourrait négocier avec la France des accords particuliers. Je suis toujours fermement partisan de maintenir lunité de larchipel ". Le lagon de Mayotte, qui fait près de 1500 Km2, fut très utile durant la guerre froide. Le Japon durant les deux guerres mondiales avait occupé les Iles CHUUK (situées dans la Fédération de Micronésie)qui sétalaient sur 128 Km2. La flotte impériale japonaise sétait alors réfugiée dans le lagon de Truk, le plus grand du monde, (2000 Km2 à lintérieur de la barrière de corail). Les temps ont changé et la France la noté. Larchipel des Comores au-delà de lexploitation dun potentiel touristique fort et reconnu, original dans chacune des îles peut et doit devenir un Centre Commercial International, un trait dunion entre le Monde arabe, lAfrique de lEst, lAsie et les Pays du Nord. Les Comores doivent devenir une zone de protection de l'environnement qui doit être une vertu cardinale de notre développement, notamment en raison de la fréquentation intense du canal de Mozambique par les pétroliers. Les Comores doivent exploiter de façon rationnelle les richesses maritimes, la pêche aujourdhui, les nodules et les gaz méthaniques demain. Il faut définitivement tourner la page des incompréhensions et des contre sens et ouvrir de nouvelles perspectives de coopération au bénéfice des Comores et de la région. Il ne faut pas perdre de vue que les Comores font partie de la zone de la Commission de l'Océan Indien. et notre avenir dans une économie qui se mondialise dépend tout autant de nos liens avec lEurope et le Monde Arabe et de notre intégration dans l'espace naturel de la COMESA et de la SADEC. Les semences de la discorde et de tous les périls étaient donc plantés. Il ne faut pas chercher ailleurs lorigine de la crise actuelle et celle-ci se terminera seulement avec limplication complète de la France et de la Communauté Internationale pour donner aux Comores une nouvelle chance. Le Président français Jacques CHIRAC et le Premier Ministre Lionel JOSPIN ont ensemble admis que la politique dassimilation avait échoué. Ils ont également affirmé que le système administratif départemental avait montré ses limites. Ils ont refusé doffrir à Mayotte la possibilité dentrer de plain-pied dans la République française en raison de son héritage commun à la fois social et culturel, avec le reste de larchipel, sur les divers aspects de lislam, de la langue, de la loi islamique et de la polygamie... Les leaders mahorais néo-colonialistes se sont sentis trahis par le gouvernement français et sopposeront au projet de référendum de Juillet 2000 quils qualifient de coquille vide. Ils craignent que Mayotte ne doive demain réintégrer la fédération des Comores. Une nouvelle génération dauthentiques dirigeants mahorais est en train de naître et ils devront apprendre à méditer les erreurs du passé. La France semble vouloir encourager la réintégration graduelle de Mayotte à lintérieur de lensemble naturel de larchipel des Comores. Les leaders mahorais authentiques devraient exprimer leurs motivations pour faire de larchipel des Comores une zone de solidarité, de paix et de coexistence pacifique, et devraient dénoncer et expulser les conspirateurs internationaux et les éléments racistes qui poussent à la désintégration des Comores et des autres pays de la région. A long terme, la réintégration de Mayotte dans son ensemble comorien peut être envisagée sur la base de lexemple chinois " Une Chine, Deux Systèmes ". La France na pas lintention dapparaître contredire la loi internationale sur cette question durant bien longtemps. Léchec des gouvernements successifs dadopter une langue comorienne officielle le " Shikomor " fragilise la consolidation de la conscience nationale. La prolifération récente de lenseignement des variantes linguistiques comoriennes dans les Universités françaises a curieusement joué un rôle dans lémergence du nationalisme insulaire ethnique qui prétend démontrer le caractère hétérogène de la nation comorienne. Les facteurs économiques et sociaux qui ont contribué à la présente crise d'Anjouan ne seront pas traités ici. Mon intention a été de démontrer le besoin pour les Comores de promouvoir son identité culturelle troublée et daffirmer avec rigueur lexistence dune identité comorienne commune et dun sentiment national. La conscience nationale de la France sest faite, dans la dernière décennie du XIXe siècle grâce à la langue, lunification du français, et aux habitudes nationales. Pour être plus clair, la transformation des paysans en Français devint une réalité après lintroduction de lécole obligatoire pour tous, après lunification des habitudes et en raison des migrations laborieuses interrégionales et bien sûr le service militaire, léradication des querelles de clocher, la suppression des conflits religieux ont conduit à léveil dun patriotisme suprême. La nature coloniale de la démocratie représentative et les systèmes de représentation populaire qui ont suivi la période de lindépendance étaient fondés sur lidée que les intérêts des élus influaient en retour sur les aspirations vitales et les besoins du peuple. Cependant, pendant plus de 40 ans, en raison dun système perverti et non démocratique, le processus a seulement démontré ses limites. La bureaucratie sest condamnée en amenant les citoyens à poursuivre leurs propres intérêts égoïstes. Lémergence dun système tripolaire regroupant les hauts fonctionnaires, les politiciens et les groupes de pression intérieurs et extérieurs aux dépens des intérêts nationaux a provoqué la cassure de la confiance entre les élites de lEtat et les citoyens (les WANANTSI). La pratique du fonctionnement comorien requiert un complet renversement de tout cela afin que la population adhère aux nouveaux concepts de décentralisation et à des objectifs économiques ambitieux. Un élève demanda un jour à Confucius "quelles sont les conditions à remplir pour mettre en place un Etat ? " Le Maître répondit "léconomie, larmée et la confiance ". Lélève continua "si pour former un Etat, on ne dispose que dun seul de ces trois éléments lequel est le plus indispensable ? " Confucius répondit : " la confiance ". La diversité ne sépanouira dans nos îles quaprès laffirmation de cette confiance. Après la chute du Général SUHARTO, la fédération dIndonésie composée de 13000 îles, de centaines de groupes ethniques, est soumise à la pression de plusieurs mouvements séparatistes. Dans les îles Moluques riches en minerais, les musulmans et les chrétiens sont impliqués dans une guerre civile. Le mouvement ACEH a combattu larmée fédérale. La région a été déclarée par le gouvernement "zone spéciale de combat ". Dans la région du Kalimantar occidental, région riche en bois, des groupes dindigènes Malais et Dayaks, font la guerre contre des colons de lîle de Madura. Dans la province de Irian Jaya les indigènes Papouans sont opposés à la politique gouvernementale officielle dencouragement les migrants des zones à forte densité à sinstaller là. Le gouvernement a développé des investissements majeurs en infrastructures, dans le domaine minier et le domaine aurifère. Les Papouans réclament leur indépendance. Le cas indonésien peut être compris et le gouvernement nouvellement élu du Président WAHID a refusé daccorder les indépendances réclamées. Le Timor Oriental na jamais fait partie de lIndonésie indépendante. Dans larchipel des Comores, il ny a ni division sociale, culturelle ou raciale. Il ny a pas de diversité ethnique et pas de présence de minorité ethnique sur notre territoire national. Les comoriens ne souffrent daucune différence biologique. Quel est alors le fondement de la volonté dindépendance d'Anjouan et de la création dun système confédéral de gouvernement constitué des territoires indépendants unis des Comores ? Une récente étude effectuée par un sociologue afin de déterminer les motivations des anjouanais a révélé les points convergents suivants :
Les observations ne révèlent pas le rejet du modèle fédéral, mais mettent laccent sur le besoin de modifier radicalement lapplication grossière du pouvoir excessif du gouvernement supranational installé à Moroni. Le principe dautodétermination pour réaliser lindépendance nationale et la souveraineté ne représentent pas une aspiration insulaire mais apparaît comme une pure manipulation contre "lhégémonie des grands comoriens". A loccasion du premier tour de lélection présidentielle libre et démocratique de 1996, trois candidats originaires de la Grande Comore obtiennent plus de 70% des voix dAnjouan. Au second tour, le Président Taki a obtenu un meilleur score à Anjouan que dans son île dorigine. le Président Ahmed Abdallah, originaire dAnjouan, a toujours écrasé ses rivaux de la Grande Comore dans les élections nationales. Le développement dAnjouan sera assuré par les anjouanais eux-mêmes et il est regrettable que certains leaders séparatistes, plus que jamais marchands dillusion, pour exploiter complètement les esprits de nos pauvres citoyens, font croire quun pouvoir étranger respectable les délivrera de leur regrettable état de sous développement. La misère est une agression quotidienne à laquelle nous devons répondre par la mise en place dinstitutions décentralisées simples qui correspondent aux besoins nouveaux exprimés avec force par le peuple. Le respect du droit doit se diffuser chez chacun dentre-nous comme un principe fondamental afin quy contrevenir apparaisse comme un crime et soit sanctionné comme tel. Le gouvernement français a déclaré de manière constante son plein appui à lintégrité territoriale de la Fédération des Comores et sest dailleurs aligné sur les résolutions de lOUA. Léchec du système fédéral exécutif des Comores fut causé par lincapacité de la pseudo fédération unitaire mise en place pour réconcilier et administrer la diversité sociale. Exemple de sécession ou de fragmentation dans les pays du tiers monde, avec un record de déficit démocratique, a conduit certains à prétendre que le système fédéral de gouvernement ne fonctionnera réellement que dans les pays où les valeurs démocratiques et le règne de la loi prévalent. Pour être plus précis :
Ceci suppose que des processus démocratiques complets sont un préalable fondamental à des organisations politiques de type fédéral ou confédéral. Des exemples historiques sont constitués par la Suisse, les U.S.A et l'Union européenne. Dans le cas des Comores, la crise pendante procède davantage des différences des circonscriptions administratives en zone rurale, au niveau de la population et du niveau de vie, que des relations des circonscriptions entre elles. Les disparités substantielles de développement physique et de la richesse relative entre les habitants des quatre îles sont devenues la pomme de discorde qui sest transformée en instabilité chronique et alimente la propagande démagogique des mouvements séparatistes. Il faudra introduire une répartition parfaite entre toutes les îles. Léquité est plus exigeante que la justice. Le modèle fédéral devra prendre en compte les besoins de toutes ses composantes : Les investissements, les créations demplois, leffort déducation devront être harmonieusement répartis. Dans ce contexte, la question de Mayotte, lEldorado des Comores, mérite un examen attentif. Des milliers danjouanais innocents ont péri dans les mers agitées en essayant de rejoindre Mayotte. En 1978, les nouvelles autorités politiques ont décidé de restructurer lEtat unitaire en un système fédéral exécutif sans examen sérieux préalable de toutes les conséquences. Le coût économique élevé de gestion des divers niveaux du gouvernement était lune des principales raisons retenues par le Président Abdallah pour modifier le caractère démocratique des institutions. Quoique les Comores soient une mono-fédération qui ne compte quune seule nation, le gouvernement se devait dêtre conscient que lorganisation fédérale était liée à la séparation des pouvoirs entre les différents territoires, nous pouvons écrire que la séparation des pouvoirs est le point de départ du fédéralisme, mais nest pas sa finalité. Les Comores sont lun des pays les plus pauvres du monde. Nous devons adopter la culture du respect de la loi et vivre dans un monde de droit. La sécession dAnjouan représente une menace sérieuse pour la cohésion des Etats dAfrique. Dailleurs comme beaucoup lont compris cette sécession était en même temps inspirée par lextérieur et générée par des forces internes. La charte de lOUA est menacée. Larticle II, pierre angulaire fondamentale de la charte a été ouvertement bafoué. Art II Section 1
Les préoccupations permanentes de cette organisation panafricaine était de clore la boîte de pandore exotique que sont les Comores. Larticle V stipule, concernant la non-discrimination. " Tous les Etats membres doivent jouir de droits égaux et avoir des devoirs identiques ". Nous avons le devoir de respecter la charte. Les Comores sont un pays souverain et un membre à part entière de lO.U.A., de l'organisation des Nations Unies et de la Ligue des Etats Arabes. LAfrique est toujours hantée par les souvenirs tragiques des périodes de sécessions du Shaba et du Biafra. A mon humble opinion aucune guerre nest juste. Mais malheureusement des guerres sont lancées et parfois justifiées. Il fallait battre Hitler. Les guerres contre le pouvoir colonial étaient des luttes de libération nationale parfaitement légitimes. En 1990 le Président du Yemen Ali Abdallah Saleh a dû utiliser la force pour écraser la sécession du Sud Yemen. Les résolutions constantes de lOUA ont conduit à empêcher la reconnaissance d'Anjouan et toutes les manuvres du mouvement séparatiste pour établir sa souveraineté officielle ont été sabordées par la communauté internationale. LOUA a noté avec regret le refus des anjouanais de mettre en uvre lun quelconque de ses engagements pris au sommet dAddis Abeba (10-13 Décembre 97) ainsi quà loccasion du schéma daccord de Moheli (27-28 Février 98). En Juin 1998, lAssemblée des chefs dEtat et de gouvernement a décidé en suivant la proposition de la 68e Session ordinaire du Conseil de Ouagadougou de désigner lAfrique du Sud en tant que coordinateur régional des efforts en vue de restaurer la paix aux Comores. A loccasion du sommet des non alignés qui sest tenu à Durban le 1er Septembre 1998, une rencontre interministérielle des pays de la région, en marge du sommet, ont convaincu le Président Nelson Mandela, dans une dernière tentative de résoudre la crise de façon pacifique, dorganiser une rencontre entre le Président Mohamed Taki Abdulkarim et le leader des séparatistes anjouanais. Le destin en a décidé autrement. Le Président Taki est mort dans la nuit du 5 Novembre 1998. La disparition de Taki, pourtant considéré par le parti séparatiste comme le principal obstacle aux négociations na pas modifié leur intransigeance irrationnelle. Dans un interview inhabituel accordé par le Colonel Said Abeid, coordinateur national du mouvement séparatiste, à lofficieux AL WATWAN le 1er Juillet 1999, ce dernier déclarait que " laccord de Tana sera signé malgré ses imperfections ". Le cadre général de laccord de Tananarive fut signé le 28 Avril 99 dans la capitale de Madagascar par toutes les parties comoriennes, le Secrétaire Général de lOUA et la Communauté Internationale, à lexception la partie anjouanaise, qui a demandé un délai spécial afin den référer à sa population ". Dans cette même interview, le Colonel Abeid ajoutait : " une délégation est partie à Tana avec des observateurs anjouannais. Un discours a été fait par le docteur ZAIDOU, qui stipulait quil demandait un report de signature. Moi je me base sur cette phrase. Cela veut dire que jétais daccord au départ pour signer cet accord. Mais il fallait dabord venir en expliquer le contenu à la population ". Le 30 Avril lArmée des Comores a pris le pouvoir et mis fin au gouvernement civil intérimaire du Président Tadjedine ben Massonde, en raison de son apparente incapacité à maintenir lordre public à la suite de sérieuses explosions de violence entre les comoriens dAnjouan et ceux de la Grande Comore. LArmée nationale, cependant, a réaffirmé sa foi dans laccord de Tananarive. Et cest ainsi que le chef de l'Etat, le Colonel Azali Assoumani a affirmé que " larmée navait pas pour vocation de séterniser au pouvoir ". Le 21 Décembre 1999, lOUA a invité la partie anjouanaise à signer laccord de Tananarive avant la fin Février 2000, sinon des sanctions graduées seraient appliquées. Des sanctions globales ont été mises en place et les anjouanais continuent à renier leurs promesses et à défier le bon sens. La prochaine assemblée des chefs dEtat et de gouvernement se tiendra à Lomé, capitale togolaise, du 10 12 juillet 2000. Les principes énoncés dans laccord de Tananarive seront alors réaffirmés avec force. Il ny a quune seule solution pour un règlement honorable et durable de la crise comorienne et cest bien sûr la mise en uvre de cet accord. Le mouvement séparatiste ne peut pas et ne devrait pas être autorisé à appauvrir lindépendance des Comores. Quel que soit le résultat du sommet, dans lanalyse finale, ce sera aux comoriens eux-mêmes de prendre en main leurs propres problèmes sur la base des aspirations légitimes des îliens. Les conflits nationaux sont réglés entre les parties lorsquils sont mûrs pour cela, et peut être bien que cest la fatigue qui indique quil est temps de conclure. Les disputes internes à lintérieur du mouvement séparatiste ont conduit lIle au seuil dune terrible guerre civile lan passé. Anjouan a été " somalisée " par les seigneurs de la guerre et aucune forme dopposition nest désormais tolérée. Lordre doit être restauré pour permettre lorganisation dun tour de table constitutionnel. Le cadre général de laccord de Tananarive contient les éléments essentiels pour réconcilier des aspirations qui oscillent entre le fédéral et le confédéral. Tout ceci est hybride et sexprime ainsi parce que et seulement parce que les hommes qui nous gouvernent sont davantage intéressés par des solutions dintérêt personnel que par une pureté théorique. Il y a un espace considérable à remplir avant daboutir à une décision positive comme les différences entre les fédérations existantes lexpriment et le démontrent clairement. Le combat de demain sera celui de la bonne gouvernance, de la lutte contre la pauvreté et la corruption. Léquilibre économique de lEtat est à portée de main. Ce sera difficile car la lutte contre la pauvreté exige dabord que nous vainquions le pire de nos ennemis et celui là nous le connaissons bien, cest de nous même quil sagit : " la grande fîtna " .
Juin 2000 * ce texte n'engage que la responsabilité de son auteur |